La mort du Septentrion

Publié le par MyKe HeLL


Emergeant de la tombe céleste,

Imprévisible, irrésistible et dérisoire,

L’appel du Dieu fauve, rampant

Hors de son miroir, qui résonne,

Sous le firmament à peine dévoilé

Qui résonne, en ce royaume vernal

La lèvre emplie d’une puissante nostalgie

 

Tandis que sous l'œil triste du fanal

L’azur sombre, épave mystique

Le sinistre océan, mauve et sidéral

S’éveille aux murmures d’un luth blessé

 

Et l’horizon, qui roule un soleil de fer

Un soleil ivre, tout hérissé d’éclairs,

Qui tremble, qui brasille, qui fulmine

Aux reflux glacés des nuées marines

 

Et le flot rougeâtre qui disparaît dans l’âtre

Et les lointains empyrées, savamment déployés

Ces temples nus comme des montagnes de verre

Ont fait naître en moi du passé le goût âcre

 

De Profondis des heures profondes, térébrante œuvre dard

Une nuit d’équinoxe, attiré par des brumes solitaires,

Notre capitaine, marin honorable mais hélas suicidaire

Voulant nous soulager de nos peines, s’épris de la barre

Et nous voguâmes, de golfe en archipel en îles fumeuses

 

Notre homme tempêtait contre les marées, vociférait

Contre les vents, postillonnait comme un nocher,

Toute honte bue, hululant à la lune bleue de rage

Le diable sait quelle complainte amoureuse

 

Et cette bouteille qui ne le quittait plus, elle avait un visage,

Je le jure, cette maudite bouteille blonde, capricieuse,

Belle enjôleuse plus cruelle qu’une flamme volage,

L’arrogante jetait force œillades à l’imbriaque dépressif,

Lequel, croyant voir en son cul vert un spectacle de chimères

Et conquis par ce divertissement royal, ô combien éphémère,

Royalement, nous précipita contre d’ineffables récifs

 

Des lames acérées comme des poignards

Pesamment agitent les ternes brisants

Des larmes grises emplissent l’air du soir

Saturé des cernes de l’orage gémissant,

 

Voilà l’heure du naufrage, prodigieuse délivrance,

Résurrection fatale, sortilège, renaissance

Le Septentrion, amarré sous un ciel de crypte

Avec l’Isis radieuse comme dernière compagne,

Souvenir de nos troubles errances en mer d’Egypte,

Vomit ses flamboyants trésors de feu l’Espagne

 

Notre vaisseau se penche sur le gouffre

Sa proue, hier Apollon rugissant et difforme,

Tourne, se prend des airs de Pierrot lunaire

L’œil fou béant sur l’abîme millénaire

 

Ce frêle mât de misère tout tordu s’inclinant

Sans fin, et cette voilure déchirée qui flotte

En apesanteur, telle un étendard sanglant,

Disent l’horreur profuse, considérable

Or limpide sous l’or glauque des abysses

Hors des limites, hors du monde, insondable

 

A présent que le calme règne à la surface

La côte semble si pâle sous les nuages salicornes

Au creux des rochers, une harpe fait des bulles

Entre les algues brunes, d’orgueilleuses licornes

Dansent ; on s’accouple, on joue les funambules

Des lamproies s’allument, des loupiotes s’enlacent

Les oiseaux sous-marins par myriades accourent

Et s’amourachent en écumant de râles sourds

 

Végétaux délirants, étincelant dans les ténèbres,

Quand le jour se voit, plus mort qu’une vertèbre

Les eaux promènent leur morne opalescence

Entre d’herbeuses pourritures en lactescence,

Où la raie noire est une veuve spectrale,

Le cyclope un mur de symboles vivants,

Et le sacre des espadons, exécuté brillamment,

Un ailleurs rayonnant sous le sceau de Neptune

 

Alors ces âmes closes qui figurent l’ultime douleur

Ces âmes prisonnières dont quelquefois

Sur le flot, on distingue la sinistre lueur

Elles qui hier ciselaient de longs soupirs

S’animent et peuplent sa coque meurtrie

Accoudées aux fenêtres, dans leurs rêveries,

Elles m’adressent d’équivoques sourires,

Et moi, alangui sur le sofa d’un salon monarchique

Au beau milieu duquel trône un aquarium antique

Dans cette pénombre qui sied aux esprits indolents

Je prends la pose lascive de l’odalisque peinte

Devant moi, s’étreignent la muse et l’atlante insolents

Et moi seul, inextricablement seul, d’ambre ruisselant,
Je jouis du naufrage de l'impossible étreinte

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